Mais qui sont les personnes qui se lancent dans un projet d’habitat coopératif ? Quelles sont leurs motivations, leurs valeurs ?
Comment habitent-elles et quelles relations entretiennent-elles avec leur environnement ?
LES PROFILS DES (FUTUR·ES) HABITANT·ES
Si les caractéristiques des ménages sont différentes, on peut regrouper les coopérateurs·rices en 3 profils en fonction de leur intérêt pour l’habitat coopératif :
- « l’intéressé·e » : il·elle ne connaît pas l’habitat coopératif, mais souhaite habiter autrement
« C’est une expérience de vie, se regrouper à plusieurs, partager une façon de vivre, accueillir du monde, mais chacun·e chez soi ! ». - « l’expérimenté·e » : il·elle a déjà vécu des manières d’habiter proches de l’habitat coopératif (colocation, habitat mixte public/social…) mais souhaite s’engager plus fortement dans le partage de l’habitat
« C’est un projet culturel, un choix de société, une réflexion sur le mode d’habiter ». - « le·la militant·e » : il·elle connaît bien cet habitat, ses vertus et le défend, et s’engage dans la gestion de l’habitat coopératif, voire parfois au-delà, dans des associations ou collectifs pour promouvoir cet habitat et ses valeurs.
« Il y a un aspect militant très fort, cela dépasse la perspective de son habitat, de chez soi ».
LES MOTIVATIONS DES COOPÉRATEURS·RICES ET L’ENGAGEMENT DANS LES PROJETS D’HABITER
« Notre habitat, on l’entend au sens large, cela va au-delà de notre propre logement.Cela va du palier, au hall d’entrée, au chemin que l’on prend pour aller faire ses courses ou à l’école. Ce sont aussi les voisins de la rue que l’on (re)connaît, ou les engagements que l’on prend dans les associations du quartier… C’est ce qui nous construit dès lors que l’on sort de chez soi, et c’est ce qui est au cœur des projets d’habitat coopératif ».
La manière dont s’organise la vie dans une coopérative d’habitant·es, que ce soit à l’échelle individuelle et/ou collective, est sans cesse questionnée. Le foyer a l’usage exclusif d’un appartement dont il gère l’aménagement intérieur comme il le souhaite, en gardant à l’esprit qu’il est garant de ce logement pour les ménages suivants.
Mais ici le « chez – soi » s’étend à l’extérieur, au commun, à une intrication entre le dehors et le dedans. Le chez – soi est extensible grâce à la possibilité offerte de réserver la salle commune, ou une chambre d’ami·es, ou d’aller dans le jardin collectif…
D’ailleurs les habitant·es utilisent le terme de « chez-nous » pour désigner l’ensemble des communs. Cette référence à un « chez-nous » témoigne d’une réelle conscience de la propriété collective, mais aussi d’un horizon de partage qui n’existe pas dans l’habitat standard.
Le partage d’espaces communs est vécu comme l’expression de la solidarité qui est de mise entre les habitant·es. Du fait de l’importance accordée à l’autogestion, cette question de partage fait l’objet d’une gestion collective qui entraîne parfois des situations complexes, avec des phases de turbulences…
Les espaces communs sont aussi des lieux favorables aux dons ou aux prêts collectifs de matériels ou d’équipements. L’autogestion est aussi une charge morale et physique permanente et forte à certains moments.
LE CONFINEMENT DANS LES COOPÉRATIVES… LA VIE D’AVANT, MAIS AMPLIFIÉE !
L’expérience acquise dans le « faire ensemble » et le soutien mutuel ont manifestement permis une forte réactivité et la multiplication de modalités d’organisation adaptées, par simple amplification ou réorientation des pratiques habituelles.
Le ralentissement du temps, avec le confinement, a rendu plus disponible, et a donné encore plus d’humanité dans les relations.
« Une comédienne endosse tous les jours à 18h le costume de crieuse publique et clame, sous les coursives, les petits mots d’humeur, les anecdotes, les suggestions glissés chaque jour dans sa boîte aux lettres… puis nos 3 musiciens jouent 2 ou 3 morceaux. Ces temps de 18h sont partagés avec nos voisins de l’immeuble d’en face, on se fait coucou de loin ».
Des temps scolaires, animés à tour de rôle par 2 ou 3 parents, ont été organisés pour une même classe d’âge. Pour les plus petits, des ateliers récréatifs ont permis aux parents de dégager des moments de télé-travail.
Les adultes qui aiment le jardinage ont préparé cette année-là le potager avec les enfants :
« on a du temps à leur consacrer et c’est important de les faire participer ».
« Cette situation de crise a rebattu les usages des espaces communs. Une salle commune sert de salle de sport et de jeux pour les enfants à certains moments de la journée, d’espace de télé-travail à d’autres moments. Une chambre d’amis fait office d’espace de télé-travail (1 personne à la fois). Un bureau commun est utilisé pour jouer d’un instrument de musique. Les bibliothèques partagées, sur les paliers, fonctionnent à plein ».
Collectivement, les coopérateur·rices prennent conscience de la gravité de la situation pour certaines personnes vivant dans les quartiers prioritaires, pour les personnes âgées, les migrants, les SDF…
Ils·elles collectent des produits de première nécessité, destinés aux associations qui en assurent la distribution. Des habitant·es s’inscrivent sur les plateformes d’entraide de leur ville ou village.
Pour les plus âgé·es le contexte du confinement est vécu comme une sécurité supplémentaire, et une confirmation de leur choix initial essentiellement motivé par la volonté de pouvoir reculer (voire éviter) l’entrée en maison de retraite ou en EHPAD. La possibilité de faire intervenir au sein de l’habitat coopératif les services de soins à domicile permet de rester chez soi dans un cadre bien plus sécurisant que l’habitat isolé.
La plupart de ces textes est issue de l’ouvrage « Les coopératives d’habitat : une démarche transfrontalière », co-produit dans le cadre du programme européen INTERREG « DEVCOOP ».