Dans la salle commune du premier étage de l’ancienne bâtisse, Benoît finit de préparer un énorme plat de légumes. David récupère les assiettes pour dresser le couvert dehors. Nicole redescend déjeuner chez elle, contrariée d’avoir tout disposé en haut « pour rien ». Sandrine sort du bâtiment d’en face avec un gratin de patates douces. Elle souffle un peu, son fils Alban a fini par s’endormir malgré la fièvre. Guillaume apporte du jambon et du fromage. Pendant que Monique, le bras immobilisé à cause d’une mauvaise chute, s’est installée à la grande table en tôle du jardin, soulagée de manger dans la cour et d’éviter ainsi d’avoir à monter les escaliers. A quelques mètres, Frida joue dans l’herbe avec ses animaux en plastique en attendant que les adultes se décident à lancer le repas.
C’est dans ce joyeux désordre que s’organise la vie au Pré commun. En cette fin d’octobre aux rayons de soleil inattendus, le déjeuner est improvisé dans la cour, sans obligation de se joindre au repas partagé. Chacun étant libre de vaquer à ses occupations, l’une s’en va accompagner sa fille à son cours d’anglais dans le village voisin, pendant que l’autre continue de bricoler et d’effectuer des allers-retours en poussant sa brouette. Depuis un an et demi, ces treize familles ont fait le choix de l’habitat partagé.
Agés de 3 à 77 ans et d’horizons sociaux différents, dix-sept adultes et dix enfants s’installent à La Montagne (Loire-Atlantique) en mars 2020, alors même que le gouvernement décide de confiner la France. Depuis quelques années, ils cherchaient à se regrouper pour créer un habitat participatif qui prendrait en compte les dimensions écologique et intergénérationnelle. « On voulait construire un voisinage avec des valeurs communes », explique Bruno Suner, 59 ans, architecte enseignant à l’école nationale supérieure d’architecture (ENSA) de Nantes et président de l’association Habitats et énergies naturels (HEN). « La plupart d’entre nous n’avions pas les fonds nécessaires pour devenir propriétaires. Se regrouper nous permettait de retrouver une marge de manœuvre. »
Mais voir le projet aboutir dans ce village de 6 000 habitants, situé dans Nantes Métropole, ne s’est pas fait sans effort. Au départ, il y a Jean-Claude, Nicole, Monique Maquaire et son mari, « le canal historique », comme les surnomment les plus jeunes. Les deux couples originaires de Nancy achètent en 1981 une grande bâtisse, vue sur la Loire, au Pellerin, à quelques kilomètres de là. Pendant trente-cinq ans, ils y vivent en communauté et y accueillent au fil des ans différents cohabitants.
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